
Du Mexique à Paris en passant par Madrid et New York, Miguel Chevalier a parcouru le monde avec un seul fil conducteur : l'art et la technologie. À l'occasion de l'exposition PIXELS au Grand Palais Immersif, le pionnier de l'art numérique est revenu sur son parcours, des premiers pas dans le codage aux "collaborations" actuelles avec l'intelligence artificielle. « Ce qui m'intéresse, c'est d'être de mon temps avec les outils de mon temps », explique-t-il.
Un artiste né de croisements culturels
Né au Mexique de parents français, Miguel Chevalier grandit dans un environnement intellectuel et artistique stimulant. Son père, spécialiste de l'Amérique latine, fonde l'Institut français à Mexico aux côtés de Luis Buñuel, tandis que lui découvre le cinéma surréaliste et les fresques de Diego Rivera. Cette jeunesse nourrie de couleurs vives et de cultures croisées forge son goût pour les créations monumentales.
Arrivé à Paris, il est marqué par les expositions du Centre Pompidou, notamment celle consacrée à Marcel Duchamp considéré comme le père de l'art contemporain Il intègre ensuite les Beaux-Arts de Paris, puis l'ENSAD, où il est guidé par le designer visionnaire Roger Tallon, disigner du TGV et du Minitel. Celui-ci l'encourage à explorer les outils numériques, encore réservés à l'époque aux chercheurs du CNRS.
Des pixels à la vie
Dans les années 80, Miguel Chevalier accède aux premiers ordinateurs scientifiques. « On était à l'âge de pierre », se souvient-il, autodidacte du codage et pionnier du pixel. Son travail se développe entre peinture et images numériques, explorant progressivement la création d'œuvres génératives : ses "Surnatures", jardin virtuel où chaque plante numérique vit, meurt et se transforme.
Avec les années 90, il accède à ses propres ordinateurs et commence à animer ses images. La fin de décennie est marquée par la montée en puissance des jeux vidéo et des machines plus performantes, qui lui permettent de créer des installations immersives.
L'art au temps de l'intelligence artificielle
Avec l'émergence de l'IA, Miguel Chevalier lance aujourd'hui Méta Nature IA, une banque d'images végétales créée par algorithmes. « L'IA n'a pas de conscience de l'image, elle me sert à explorer des formes inattendues ». Il travaille sur Terrain Incognita, un projet immersif qui nous plongera dans son propre cerveau, territoire imaginaire où s'entrecroisent projets réalisés et inaboutis.
La sculpture, elle aussi, devient numérique grâce aux imprimantes 3D. Le "voxel", pixel en volume, s'incarne dans des œuvres inspirées de Janus, le dieu romain de la surveillance. Entre matière et algorithmes, Miguel Chevalier crée une esthétique hybride où le réel naît du virtuel.
Thomas Roussel, une musique pour les pixels
Certaines œuvres sont accompagnées des compositions de Thomas Roussel, pour créer une alchimie sensorielle palpable. Chef d'orchestre, violoniste et arrangeur, Thomas Roussel a composé une pièce immersive qui dialogue avec les installations. L'immersion est totale : le son suit les mouvements, prolonge la lumière et transforme le regard en expérience.
Miguel Chevalier, le livre
Miguel Chevalier, fait l’objet d’un ouvrage captivant aux éditions Skira, sous la plume de Laurence Bertrand Dorléac et Jérôme Sans. Une exploration dense et sensorielle de son œuvre où nature, technologie et poésie s’entrelacent.
Avec Meta-Natura AI, sa dernière création projetée sur les murs futuristes du Dongdaemun Design Plaza à Séoul, Chevalier explore la beauté organique d’une nature réinventée par l’intelligence artificielle. Des fleurs numériques y naissent, s’épanouissent puis se fanent en temps réel. « Je souhaite que la technologie soit une extension de la sensibilité », confie-t-il dans l’ouvrage.
Mais derrière cette magie visuelle, l’artiste interroge aussi la dérive possible de notre monde ultra-connecté : « Ce flux constant peut nous ouvrir ou nous enfermer. » Entre utopie végétale et dystopie urbaine, l’œuvre de Chevalier propose une réflexion puissante sur l’avenir.
Une exposition monumentale
L'interview a été réalisée par David Marmier à l'occasion de PIXELS – Une expérience interactive avec l’univers créatif de l’IA. Installée au Grand Palais Immersif, cette exposition occupait plus de 1200 m² et présentait une trentaine d'années de recherches, entre installations immersives, sculptures 3D et réflexions sur la surveillance, l'identité et le cyberespace.
Photographie: David Marmier